Madame la Présidente, Excellences,

Merci d’abord au Mozambique pour avoir convoqué cette réunion, pour ce thème très important, et d’ailleurs les échanges jusqu’à maintenant nous rappellent une fois de plus qu’une paix durable sera construite par et avec les femmes, ou n’existera simplement pas. Dans ce contexte évidemment, l’Agenda femmes, paix, sécurité n’est pas un seulement un terme, un mot, une expression onusienne, mais c’est une réalité. Je dois vous le dire, je peux le partager avec vous, j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte à nouveau le mois dernier, Madame la Présidente, lors de la visite que j’ai effectuée dans votre pays, le Mozambique. A Maputo, bien sûr, mais aussi à Cabo Delgado, aussi à Mueda, à Pemba, avec le Président Nyusi, et les échanges que j’ai pu mener dans ce cadre m’ont confirmé que les femmes s’investissent pour la paix, aussi bien au sein de leurs communautés qu’au niveau national, et qu’elles contribuent ainsi à bâtir un avenir politique et économique juste et égalitaire pour leur pays.

Il y a 23 ans maintenant, les Etats membres de ce Conseil ont adopté, à l’unanimité d’ailleurs, la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité. C’est vraiment une résolution qui fait date dans l’histoire, parce que c’était, je crois, la première fois que le Conseil reconnaissait le rôle clé joué par les femmes dans la prévention et dans la résolution des conflits. Et c’était à ce titre aussi un vrai changement de paradigme, la sécurité n'étant plus comprise exclusivement en termes militaires mais centrée d’abord sur les individus. Cette première résolution a été, on s’en souvient, adoptée grâce au travail important, inlassable de la société civile, notamment des activistes pour la paix et notamment aussi des mouvements féministes.

Cet Agenda femmes, paix et sécurité est universel et sa mise en œuvre est une tâche quotidienne prioritaire. Les crises et conflits actuels en Ukraine, en Afghanistan, en Syrie ou au Yémen sont malheureusement là pour nous le rappeler. Le Conseil de sécurité doit continuer de jouer son rôle de premier plan pour promouvoir cet agenda. Mais ce qui est extrêmement intéressant dans ce contexte, c’est que chaque Etat a aussi un rôle à jouer, directement au niveau national. C’est probablement un des éléments les plus marquants de cette résolution 1325, et dans ce sens c’est très encourageant de voir que plus de 100 pays ont adopté un plan d’action national, vous avez rappelé, Madame la Présidente, le plan adopté par le Mozambique, la Suisse bien sûr a aussi adopté un plan, nous avons d’ailleurs été parmi les premiers pays à le faire, en 2007.

Cela fait maintenant 23 ans, et dans deux ans, nous allons célébrer les vingt-cinq ans de l’adoption de la résolution 1325. Ce sera évidemment un moment particulier pour tirer un bilan. Mais, en même temps, on sait déjà aujourd’hui quels sont les défis auxquels il est urgent de répondre. En premier lieu, le fait que les femmes sont souvent les toutes premières cibles de violence, de discours haineux, de menaces, de représailles. Ces types de violences sont malheureusement connues depuis longtemps, je pense bien sûr ici à la violence sexuelle. Mais elles prennent aussi des formes nouvelles, et je pense ici notamment aux violences perpétrées dans l’espace numérique, notamment aux discours haineux.

Ces violences sont structurelles. Autrement dit, aucun pays, aucune société n’est à l’abri. Et dans chaque pays, ou alors tous ensemble, y compris, d’ailleurs, au sein de ce Conseil, nous pouvons prendre des mesures concrètes pour faire face à ce fléau, avec les stratégies nationales, avec l’engament dans nos pays. Et la Suisse a fait, par exemple, de la lutte contre la violence de genre un axe principal de sa Stratégie Egalité 2030. Pour faire face aux défis émergents, que j’ai mentionnés tout à l’heure, et bien nous soutenons également la recherche sur les liens entre la cyber sécurité et les femmes et nous faisons une promotion active de l’intégration de l’agenda 1325 dans les stratégies nationales de cyber sécurité. Affronter ces obstacles demande également un travail en réseau. C’est pour cela que nous avons créé le réseau « Femmes suisses dans les processus de paix ». Ce n’est pas seulement un réseau qui réunirait seulement l’expertise et les expériences des femmes suisses dans les processus de paix. Nous collaborons bien sûr avec d’autres réseaux régionaux – africains, du Commonwealth, méditerranéen et nordique – afin de partager les bonnes pratiques.

Pour cela, Madame la Présidente, je crois que nous devons rappeler également que pour assurer la participation des femmes, il faut un soutien politique clair, et il faut aussi des ressources adéquates. C’est une condition qui doit être remplie pour que les femmes puissent s’exprimer, qu’elles puissent contribuer à une paix durable. Cela doit être possible en toute sécurité, librement, et sans peur de représailles. Cette question des ressources va m’amener à un de mes derniers points. Les mandats de ce Conseil, on le sait, font de plus en plus référence à l’Agenda femmes, paix et sécurité. C’est très encourageant. Mais il faut désormais allier les paroles à des actes concrets en termes de budget, en termes de personnel et en termes de politique.

En ce sens, la Suisse s’engage pour que ce Conseil mette en œuvre l'Agenda Femmes, Paix et Sécurité dans l’ensemble des contextes et sujets qui sont à l’agenda de ce Conseil. Notre co-présidence du groupe informel d’experts, avec les Emirats arabes unis, et notre soutien aux « Shared Commitments » s’inscrivent justement dans l’objectif de faire de cette approche un réflexe naturel, cela doit devenir un réflexe naturel dans les travaux de ce Conseil.

Madame la Présidente, l’Agenda femmes, paix et sécurité est un Agenda pionnier, c’est un Agenda qui est innovateur, j’ai pu rappeler tout à l’heure pourquoi. Parce qu’il est au niveau global et au niveau local en même temps. Sa mise en œuvre doit désormais encore s’accélérer. Cet Agenda doit être un pilier du Nouvel Agenda pour la Paix du Secrétaire général et nous permettre d’avancer sur la voie d’une paix durable.

Notre réponse aux défis actuels, notre réponse aux défis émergents pour la Paix doit tenir absolument compte de ces dimensions liées au genre. C’est absolument central. J’espère que nous pourrons célébrer le prochain anniversaire de cette résolution, dans deux ans, avec vraiment un sentiment commun de réussite. Et surtout, que ce sentiment soient partagés par celles et ceux qui œuvrent pour la paix dans le monde entier.

 

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