Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de prendre la parole au nom du Groupe des amis (GoF) pour la Protection des civils dans les conflits armés (PoC): Allemagne, Australie, Autriche, Bangladesh, Belgique, Brésil, Canada, Côte d'Ivoire, France, Indonésie, Irlande, Italie, Japon, Koweït, Liechtenstein, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Espagne, Suède, République Dominicaine, Royaume-Uni, Ukraine, Uruguay et Suisse.

Nous remercions la République populaire de Chine pour l’organisation de cet important débat à la lumière de la situation alarmante de la protection des civils dans les conflits armés telle que décrite dans le rapport du Secrétaire général de 2021. Près de 90% des victimes de la guerre urbaine sont des civils. Les attaques indiscriminées et les attaques dirigées contre les civils se produisent avec une fréquence horrifiante. La violence sexuelle et basée sur le genre persiste, souvent dans le cadre d'une stratégie plus large. L'application stricte des règles et des principes du droit international humanitaire (DIH), notamment ceux d'humanité, de nécessité, de distinction, de proportionnalité ainsi que de précaution dans l'attaque, est requise par toutes les parties à un conflit armé. Le GoF reste préoccupé par les préjudices humanitaires causés pendant les hostilités actives dans les zones peuplées, notamment par les armes explosives. Il souligne que seul le plein respect du droit international humanitaire et des droits de l'homme ainsi que la réduction de la violence peuvent protéger la population civile. Dans l'ensemble, le Conseil de sécurité a un rôle crucial à jouer et le GoF se fait l'écho de ses appels constants au respect du DIH, des droits de l'homme et au règlement politique des conflits armés.

L'échec à protéger les civils dans les conflits armés continue d'impacter dramatiquement sur les finalités de notre organisation dans ses trois piliers. Les États membres et les parties aux conflits armés doivent faire preuve de plus de consistance et de volonté politique pour mieux protéger les civils. Le Groupe des amis s'engage à faire sa part et à contribuer au plaidoyer au niveau mondial pour améliorer la protection des civils dans les conflits armés. Le GoF souhaite souligner les points suivants.

Premièrement, la pandémie de la COVID-19 continue d'avoir un impact dévastateur sur les pays touchés par les conflits et a exacerbé les vulnérabilités et les risques préexistants, les femmes, les filles et les groupes vulnérables étant touchés de manière disproportionnée. La COVID-19 ne constitue pas seulement un problème de santé publique, elle est aussi une crise de protection affectant la protection des civils dans les situations de conflit et d’après-conflit. En pareilles circonstances, les États membres doivent s'assurer que les réponses d'urgence à la pandémie respectent le droit international, et que toutes les mesures prises pour combattre le virus sont légales, nécessaires et proportionnées. En outre, ces mesures doivent être limitées dans le temps, non discriminatoires et évaluées régulièrement afin de s'assurer que leur impact, par exemple sur l'accès humanitaire, n'aggrave pas les problèmes de protection.

Nous saluons et soutenons l'exigence du Conseil de sécurité d'une cessation générale et immédiate des hostilités dans toutes les situations inscrites à son ordre du jour pour combattre la pandémie de la COVID-19. Le Groupe souligne que l'accès inclusif et équitable aux vaccins contre la COVID-19 est essentiel pour mettre fin à la pandémie et note avec inquiétude que les personnes touchées par les conflits et l'insécurité risquent particulièrement d'être laissées pour compte. Nous appelons à un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, sans retard, afin de faciliter, entre autres, la vaccination contre la COVID-19, conformément à la résolution 2565 (2021) du CSNU.

La pandémie a conduit à ce que 1,5 milliard d'enfants ne soient pas scolarisés pendant une période prolongée. Il est de la plus haute importance que ces enfants, en particulier les filles, soient réintégrés dans le système éducatif le plus rapidement possible. Cela concerne particulièrement les zones touchées par les conflits, où le système éducatif était déjà précaire avant la COVID-19, et où la violence à l'égard des femmes et des enfants a augmenté pendant la pandémie.

Deuxièmement, cinq ans après l'adoption de la résolution 2286 (2016) du CSNU, le GoF réaffirme son soutien indéfectible à cette importante résolution. Alors que le monde continue de faire face à une pandémie et que les systèmes de santé sont débordés, cette résolution est plus pertinente que jamais. Pourtant, des niveaux effroyables de violence à l'encontre des blessés et des malades, du personnel médical et des travailleurs humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, et de leurs moyens de transport et de leur matériel, ainsi que des hôpitaux et autres installations médicales persistent, avec des conséquences dévastatrices. Des efforts supplémentaires importants sont nécessaires pour améliorer la mise en œuvre de cette résolution et l'application des règles du droit international qui la sous-tendent. Le Groupe appelle instamment tous les États membres et les parties à un conflit armé à respecter et à faire respecter le DIH en toutes circonstances. Nous réitérons les recommandations du SG visant à mettre en œuvre les bonnes pratiques à cet égard, notamment la ratification des protocoles additionnels aux Conventions de Genève. Le GoF souligne également que les cyber-opérations malveillantes sur les installations médicales, telles qu'observées tout au long de la pandémie de la COVID-19, ne peuvent être considérées comme acceptables ni en temps de paix ni en cas de conflit armé.

Le Groupe des amis appelle les États membres à veiller à ce que les mesures antiterroristes ne fassent pas obstacle à l’action humanitaire et médicale ou aux relations avec tous les acteurs concernés, comme le prévoit le DIH. Conscient des résolutions 2462 (2019) et 2482 (2019) du CSNU, le GoF demande instamment aux États membres de veiller à ce que toutes les mesures prises pour lutter contre le terrorisme, y compris celles prises pour contrer le financement du terrorisme, soient conformes aux obligations que leur impose le droit international, y compris le DIH.

Troisièmement, le GoF exprime sa grave préoccupation concernant l'augmentation dramatique du nombre de personnes confrontées à des niveaux de crise d'insécurité alimentaire aiguë. Il est urgent de déployer davantage d'efforts pour prévenir et soulager la faim dans les conflits armés, conformément au DIH et aux résolutions 2417 (2018) et 2573 (2021) du CSNU. Les membres du GoF parties au Statut de Rome réitèrent leur appel aux États parties au Statut de Rome d’envisager la ratification de l'amendement relatif à l'utilisation intentionnelle de la famine des civils comme méthode de guerre dans les conflits armés non internationaux.

Quatrièmement, la lutte contre l'impunité est d'une importance capitale pour garantir que les violations ne restent pas impunies et pour rendre justice aux victimes. Par conséquent, nous faisons également écho aux recommandations du SG visant à garantir la reddition de comptes pour toutes les violations du DIH.

Cinquièmement, le GoF rappelle que la protection des civils est un objectif prioritaire du mandat de nombreuses missions de maintien de la paix dans le monde, et un élément central des initiatives de réforme du maintien de la paix. Nous félicitons également les missions de maintien de la paix et les casques bleus pour leur travail continu dans la mise en œuvre des mandats de PoC malgré la situation difficile causée par la pandémie de la COVID-19. Nous attachons collectivement une importance cruciale à la mise en œuvre complète et efficace des mandats de PoC par les opérations de maintien de la paix de l'ONU de manière globale et intégrée, et soulignons également la nécessité de veiller à ce que la PoC soit prioritaire dans le contexte des transitions de mission, des réductions et des stratégies de sortie. De même, la centralité de la protection doit également faire partie intégrante des missions politiques spéciales, le cas échéant.

Le GoF réitère son appel au Conseil de sécurité pour qu'il veille à ce que les opérations de maintien de la paix de l'ONU aient des mandats clairs et réalistes, et que l'Assemblée générale leur alloue des ressources suffisantes, conformes au mandat et à la situation sur le terrain. À cet égard, nous exprimons notre plein soutien aux fonctions et équipes de protection spécialisées et dédiées déployées dans les missions de maintien de la paix des Nations Unies et au sein du Secrétariat des Nations Unies. Nous continuons à encourager la participation pleine, effective et significative des femmes aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, car elles ont un impact significatif dans la recherche de la paix et la protection des civils. Le GoF souligne en outre l'importance pour tout le personnel de maintien de la paix de recevoir une formation adéquate avant le déploiement et une formation complémentaire durant la mission. Enfin, nous appelons à la performance et à la responsabilité dans la mise en œuvre des mandats de la PoC, conformément à la résolution 2436 (2018) du CSNU et au Cadre intégré de performance et de responsabilité en matière de maintien de la paix.

Permettez-moi également d'attirer votre attention sur le 150e anniversaire, cette année, de l'Agence centrale de recherche du Comité International de la Croix-Rouge (CICR). La tragédie des personnes portées disparues et de leurs proches concerne des millions de personnes. Le GoF appelle tous les États membres et les parties à un conflit armé à collaborer pleinement avec le CICR et les autres acteurs pertinents dans le but d'élucider le sort des personnes disparues. Les États membres doivent s'assurer que des mécanismes efficaces sont en place, conformément au DIH et à la résolution 2474 (2019) du CSNU. En outre, l'enregistrement rapide et transparent des victimes peut empêcher que des personnes soient portées disparues dans un conflit armé. Les registres des victimes peuvent également fournir des preuves précieuses dans les processus de responsabilisation, soutenant ainsi les droits des survivants à la vérité, à la justice et à la réparation.

Enfin, comme le note le rapport du SG, les conflits armés peuvent contribuer de manière significative à la dégradation de l'environnement naturel qui, à son tour, affecte la population. La combinaison des conflits armés et de plusieurs autres facteurs, dont la dégradation de l'environnement, aggravée par les effets du changement climatique, peut entraîner des défis supplémentaires en matière de protection et le déplacement de millions de personnes. Le Conseil de sécurité et les États membres devraient s'efforcer de renforcer les engagements visant à atténuer ces risques pour la protection des civils. Le GoF prend note des lignes directrices actualisées du CICR sur la protection de l'environnement naturel dans les conflits armés et encourage les Etats membres à en tenir compte dans la mise en œuvre du cadre juridique existant.

Je vous remercie.